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LA TRADUCTIÈRE N°22 (2004)

revue franco-anglaise de poésie

Voici un poète du milieu du vingtième siècle, né en Angleterre en 1934, parti vivre aux Etats-Unis au début des années soixante, puis foudroyé par une leucémie à Paris en 1969. Jacqueline Starer, sa compagne et déjà un peu traductrice dans la vie à partir de 1962, y effectue un classement thématique, qu’elle préfère à l’ordre d’écriture ou de parution des poèmes : cela accentue le caractère de fidélité au contenu descriptif de poèmes, au détriment parfois de l’inventivité verbale propre à Barnes. Les traductions de Jacqueline Starer restent pour l’essentiel assez convaincantes, par exemple dans les poèmes de type télégraphique, où domine l’ironie, tel « Once Some Hot » :

For sale A snip
Marriage semi-detached
developed in a quiet cul-de-sac
Once some hot now plenty running cold
Wife with pleasing front-elevation
leash-holds husband who desires freehold
Needs renovation

A vendre Prix intéressant
Mariage mitoyen d’un côté
au fond d’une impasse
Jadis bien calfeutré maintenant plein de courants d’air
Epouse au fronton élevé agréable
mari en laisse prêt à s’élargir
A saisir - et rénover

Elles épousent bien aussi le mouvement des poèmes d’intimité amoureuse ou les descriptions de longue haleine, dont est friand le poète anglo-saxon, témoin attentif des événements quotidiens de son époque. A quelques reprises toutefois, elles s’écartent clairement de la construction originale et versent dans l’interprétation personnelle (voir en particulier « The Human Being / L’être humain » et « Our Nightmare / Notre cauchemar » sans qu’on sache si l’initiative en revient au couple Barnes/Starer ou à la seule traductrice.

On retiendra enfin dans la poésie de Keith Barnes son côté baroudeur des années soixante, étonné devant le monde mais suivant une trajectoire personnelle en écriture, alors qu’on aurait pu l’attendre, de par sa thématique, du côté de la Beat Generation. Jacqueline Starer aura fait pour son œuvre un travail remarquable de rassemblement de textes éparpillés, et les éditions d’écarts lui auront offert une présentation matérielle très soignée, comme on voudrait en voir plus souvent en matière de traduction de poésie.

 

Jacques RANCOURT