Retour à l'accueil / Return to Homepage

Le Journal des Poètes n°1 2012

Jacqueline Starer
Les écrivains de la Beat Generation
éditions d'écarts, Dol de Bretagne

Spécialiste de littérature et poésie américaine et anglaise, traductrice de l’œuvre de Keith Barnes dont elle a fait de nombreuses analyses, Jacqueline Starer a personnellement connu et interviewé nombre d’écrivains de la génération battue – battue par les vents de grands espaces, battue par la pauvreté et le chômage engendrés par les crises économiques et la deuxième guerre mondiale, battue par la sourde oreille de la société bcbg devant les aspirations bohèmes, battue au rythme des musiques alternatives, jazz, blues, raps des mauvais garçons et des bouges mal famés. Les Beats, c’est avant tout une attitude qui rejette les conventions des années roses de l’après-guerre, dix ans avant les Beat-les. Avec Rimbaud comme maître, la génération Beat de Kerouac, Ginsberg, et Snyder, et de leur éditeur Ferlinghetti, symbolise la révolution contre le modernisme, l’urbanisme et le progrès, contre la fixation consumériste et matérialiste. On tourne le dos en prenant la route, en retrouvant la liberté de l’espace et des recommencements multiples, en espérant devenir clochard céleste – ce qui comprend la drogue et l’homosexualité. Tout cela Jacqueline Starer le dit très bien, montrant comment cette découverte de soi et de la liberté passe par la géographie : d’abord les espaces américains et la Californie, bien sûr, puis le Mexique, l’Afrique du Nord, l’Europe, et enfin l’Orient qui n’a jamais quitté la Californie depuis que s’y est établie, à la fin du dix-neuvième siècle, la pratique de l’initiation aux religions indiennes et japonaises… C’est donc un portrait international que brosse Jacqueline Starer, montrant les sites mis à la mode par les Beats : San Francisco, Mexico, Tanger, Amsterdam, Paris, et Rome où leur culture occidentale trouve des échos qui les plongent dans un enchantement perpétuel. L’importance sociologique, dit Jacqueline Starer dans sa conclusion de 1975, dépasse l’importance littéraire de ce mouvement anti-héroïque qui cherchait la vraie grandeur dans une poésie anti-conformiste et pacifiste, libérée du langage raréfié et du corset de la versification, une poésie qui enlevait leurs béquilles aux poètes-aspirants. Une génération éprise de jazz et de ses contrepoints fulgurants. On aimerait lire, comme compagnon à cette belle étude, une anthologie de la poésie Beat qui comprenne, outre les classiques Beat, les œuvres des auteures Beat, ainsi que celle des poètes qui aujourd’hui continuent à vivre dans le nomadisme existentiel, descendant toujours plus profond à l’intérieur d’eux-mêmes et de leurs racines, de Stuart Dybek à Tracy Kidder, de Etheridge Knight à Rober Pinsky et de Michael Harper à Amiri Baraka.

ALICE-CATHERINE CARLS