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Le Journal des Poètes n° 3 2006

BRICE PETIT
Le mot que je porte
Le paysage de la langue
Éditions Grèges, 2004 et 2006

Désolation des lieux, des mots

Que ce soit dans Le Mot que je porte (2004) ou dans Le Paysage de la langue (2006), publiés par les Éditions Grèges, on avance dans les textes de Brice Petit (né en 1970) comme dans un cauchemar en noir et blanc, de manière évanescente, fantomatique.

Ses mots restent en nous, flottant, interrogeant. Quoi de plus, après ? Y a-t-il un après, lequel ? Malgré tout.  Brice Petit, entré dans une réflexion sur la langue et l'oubli, nous adresse des bribes, des lambeaux, des échos de paroles et nous l'accompagnons dans sa marche.

Il a toujours neigé d'europe
sur la pensée
neigé les neiges de l'histoire

Nous sommes sur cette terre qui est à l'est, celle de Goethe et de Mandelstam, là où le passé est lourd, peuplé de tant de souvenirs, de disparitions, de morts. La terre elle-même s'enfuit, et c'est son silence, son abstraction que nous sommes invités à percevoir. Brice Petit la reflète, plus, il en est imprégné. Le froid l'a saisi, lui aussi.

Je neige vers un lieu
dont je n'ai plus mémoire
je me réveille nu de la mémoire
je suis enveloppé d'oubli

Stupéfié qu'il puisse encore rester quelque chose, et qui le regarde, accablé, dans l'absence, Brice Petit semble ne vivre que par ce mot qu'il porte, intense dans sa légèreté.

dans cet abri du corps est
plus que moi
est le mot que je porte et qui s'évanouit
le lieu est sous la neige
autant dire non-lieu

C'est tout juste si reste ce langage. Issu de l'effroi, il est proche du murmure, réchappé du mutisme, né du manque. Il est pourtant une nouvelle manière d'exploration. Une quête inachevée, inachevable qui procède par errements, dont les traces sont éparses. Souffle singulier, à peine un souffle. Une écriture de la disparition.

Jacqueline Starer (2006)