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Jean-Claude Roulet ne dira plus
(face au désordre) : « Je désapprouve. »

Les gens s’en vont discrètement
vibrant dans la lumière
Hier ils étaient là
hissant leur corps sur l’échelle des années

On se retourne et c’est
une absence
une eau limpide

Michel Héroult
La Nouvelle Tour de Feu n° 48
Janvier 2002

Grand ami de notre Journal, le poète Jean-Claude Roulet nous a quittés en janvier de cette année, aussi discrètement qu’il avait toujours vécu alors même que ses convictions l’avaient mené à s’engager vigoureusement dans de nombreux combats au cours de sa vie de travailleur, de syndicaliste, de défenseur des droits des écrivains et comme poète.

Né en 1925 avec des racines normandes et poitevines (« mais on s’en fout » précisait-il…), il avait commencé des études littéraires - qui mènent à tout, comme chacun sait, et même partout, comme ce fut son cas, puisqu’après la guerre, il entre aux Chemins de fer, ce qui révélera aussitôt son âme de cheminot. Il voyage, il conduit sa locomotive, il marche. Vocation brisée en raison d’un grave accident. Et le voilà délégué syndical, idéaliste et plein d’espoir comme nombreux le furent jusqu’en 1956.

Cette illusion passée, péniblement, cet homme secret, calme, mesuré, ordonné, attentif, compréhensif, qui avait gardé le sens de la camaraderie, prend le temps de la réflexion avant de s’engager à nouveau. Il participe en juillet 1961 au congrès de Jarnac, animé par le pacifiste et libertaire Pierre Boujut, créateur en 1946 de La Tour de Feu qu’il dirige jusqu’en 1981. Pour ne se lier véritablement à la revue qu’en 1965.

Présents aussi : Michel Héroult, Liliana Klein, avec qui Jean-Claude Roulet participe au lancement dès 1982 de La Nouvelle Tour de Feu, avec l’aide et la bénédiction de Pierre Boujut. S’y joignent, bien connus du Journal, Jean-Pierre Joyeux, André Lagrange. Feront partie du Comité de rédaction : Pierre Béarn, Roland Nadaus, Jacques Simonomis. Jean-Claude Roulet sera peu après, avec Michel Héroult et Liliana Klein, une efficace cheville ouvrière des éditions du Soleil Natal.

Entre temps, notre poète, car nous ne perdons pas de vue qu’il mène de front une activité créatrice régulière, prend part en 1968 au Conseil permanent des écrivains (CPE) qui regroupe une dizaine d’associations, de sociétés, de syndicats, la plupart spécialistes de la défense d’auteurs de diverses disciplines. Il en devient le grand argentier comme il le sera pour de nombreuses autres associations de poésie, l’Union des écrivains, l’Arbre à Parole, la Maison de la Poésie d’Amay.

Et le poète, donc ? Hé bien, il n’a jamais chômé et régulièrement publié poèmes, contes, récits, en recueils, en revues et dans Le Journal des Poètes. À La Tour de Feu, Des mots pour vivre, 1956, Je suis contre, 1958, À Plein Chant, ʺPoète ? Poète !ʺ, 1981, Cahiers de poésie verte : Paraula d’amor Parole d’amour, bilingue occitan-français, Prix Trobadors1986, aux éditions dau Chamin de Sent-Jaume, Flors Fleurs en 1987, L’oiseau chapeau en 2006, ʺ89 poèmes pour 1989ʺ dans un recueil collectif paru à Paris-Révolution. Au Soleil natal, Rire jaune, voir rouge et…se mettre au vers, 1994.

Les poèmes et les textes de Jean-Claude Roulet font la part belle aux langues occitane et limousine dont il a une connaissance approfondie et affectueuse. Ses poèmes n’ont pas l’air sérieux. L’humour, toujours présent, n’empêche pas qu’en des temps inquiétants, se manifeste un profond souci d’éthique et, s’il pratique l’autodérision, il sait avoir la dent dure. Jean-Claude Roulet est bon psychologue. Narquois, il observe ses contemporains et ne leur passe pas leurs travers, en particulier il ne supporte ni le bavardage ni l’immodestie. « La dérision est mon quignon quotidien. » Sensible sans le montrer, railleur, profondément égalitaire, tel était Jean-Claude Roulet, notre ami.

Jacqueline Starer (février 2013)
version longue d’un article paru dans Le Journal des Poètes N°1 de 2013