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Déjeuner des Poètes, Paris, 23 juin 2007

Hommage à Jean-Claude Roulet

Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur   le mot confiance
Amour   justice  et le mot liberté
Le mot enfant   et le mot gentillesse
Et certains noms de fleurs   et certains noms de fruits
Le mot courage   et le mot découvrir
Et le mot frère   et le mot camarade
Et certains noms de pays   de villages
Et certains noms de femmes  et d'amis

C'est ainsi que Paul Eluard s'adressait à Gabriel Péri. Mais, parmi les compagnons du Journal, qui ont fait chemin avec lui depuis combien de décennies ? il en est un, présent ici, à qui s'adressent aussi tout particulièrement ces mots-là :

un homme, maintenant devenu patriarche, et qui pourtant n'à jamais perdu son âme de cheminot, de marcheur au travers des pays et des hommes - je n'oublie pas les femmes - les mots dans sa besace, le cour au bon endroit, comme on dirait en anglais The heart in the right place, les yeux, l'espoir fixé sur l'avenir d'un monde qu'il n'a pas fait que souhaiter meilleur, qu'il a - par ses engagements - rendu effectivement plus habitable.

Un homme qui n'a peut-être pas levé les yeux vers le ciel mais qui, en humaniste, et en toute discrétion, a porté son attention, manifesté sa bienveillante compréhension à ceux sur qui il posait son regard perspicace. Sans illusions, ou plutôt une fois les illusions à jamais perdues, restait à mettre en ouvre cette maxime d'Antonio Gramsci : « Il faut allier le pessimisme de l'intelligence à l'optimisme de la volonté. »

Avec son calme, son sens de la mesure, réalisant dans chacune de ses tâches un travail impeccable, cet homme a réalisé l'exploit de n'avoir jamais d'ennemis ! Des amis, par contre, il en compte partout où il a porté ses pas, exprimé ses convictions et manifesté l'agilité de son esprit. D'abord syndicaliste, le terrain était tout trouvé pour se tourner vers autrui, connaisseur de régions et de langues régionales, l'occitan, le limousin, il a s'est adonné à l'histoire et à l'anthropologie rurale, à la géographie, au folklore.

Proche, après la guerre, de la revue La Tour de Feu, créée par Pierre Boujut, le revue la plus importante et la plus vivace issue au XXe siècle de la province française - avec Les Cahiers du Sud - , il a été le conseiller technique et littéraire de La Nouvelle Tour de Feu, créée en 1982 par Michel Héroult, qui peut témoigner de sa fidélité en une amitié qui dure depuis quarante-cinq ans, comme l'atteste Liliana Klein qui en est aussi Rédacteur en Chef.

S'y reconnaîtront, au Comité de Rédaction : Jean-Pierre Joyeux et André Lagrange, ici présents. « Les poètes marchent à l'amitié » disait Simonomis qui, avec Pierre Béarn, faisait route avec eux.

Je crois qu'avant de rappeler les autres étapes de son travail littéraire, il est temps de le nommer à présent : mais sans doute nombre de vous qui avez pu l'apprécier, depuis qu'il représente Le Journal des Poètes en France, l'ont déjà reconnu. Il s'agit bien sûr de Jean-Claude Roulet, l'auteur, entre autres, de Rire jaune, voir rouge et se mettre au vers publié en 1994 par les (petites, n'est-ce-pas ?) éditions du Soleil Natal.

En 1956 : Des mots pour vivre, en 1958 : Je suis contre - à La Tour de Feu. En 1981 : Poète ? Poète ! chez Plein Chant. En bilingue occitan : Parola d'amor / Parole d'amour en 1986, Flors / Fleurs en 1987, et L'oiseau-chapeau en 2006. Je n'ai pas tout cité ni pour ses autres publications en revues, ni pour ses autres activités de défense des auteurs, dont celle au sein du Conseil permanent des écrivains et en particulier à l'Union des écrivains, mais aussi pour l'Arbre à Parole et la Maison de la Poésie d'Amay.

Tout cela est très sérieux mais notre homme ne manque pas d'humour. Facétieux, il affirme : « Le dérisoire est mon quignon quotidien ». Alors, dans « cet univers insensé où l'on souffre debout » comme dit Michel Hérout, voici quelques poèmes qui sont moins désinvoltes et ont la dent plus dure qu'il n'y paraît. Attention aux flèches décochées contre ceux qui s'étalent « de superlatifs en onomatopées. »

Jacqueline Starer (2007)