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"Champ libre" Poésie 2002

Keith Barnes
entre 'Angry Young Men' et 'Beat Generation'
présenté et traduit de l’anglais par Jacqueline Starer

Keith Barnes avait d'abord - dès l'âge de douze ans - composé puis étudié à la Royal Academy of Music ; certaines de ses ouvres avaient été jouées à Londres. En 1960, il détruisait toutes ses compositions musicales ne gardant qu'une suite pour violoncelle.

Après un an de silence, il se lança dans la poésie pour s'y consacrer jusqu'à sa mort. Il se disait créateur plutôt que musicien ou poète et si l'écriture en était venue à le déserter, il se serait, disait-il, tourné vers la sculpture. Ce n'était pas un intellectuel mais un instinctif, un intuitif, qui utilisait les mots comme il aurait pu utiliser la glaise pour traduire ses sentiments et ses émotions.

Issu d'une 'Working Glass' à laquelle il devait une bonne partie de son inspiration et de son humour, il avait une vision de la société qui ressemblait par bien des traits à celle des 'Angry Young Men' dont il était séparé par une décade de naissance environ - la plupart d'entre eux sont nés dans les années vingt - et surtout par le mode d'expression puisque, dans les années cinquante et soixante, les John Braine, Iris Murdoch, John Osborne, Harold Pinter, Alan Sillitoe, Keith Waterhouse, Arnold Wesker, pour ne citer qu'eux, s'illustraient par le roman et par le théâtre.

Keith Barnes se situe en fait à mi-chemin des Angry Young Men et des écrivains de la Beat Generation  aussi bien par les thèmes de son ouvre que par son attitude face à la vie et à la société. Pour l'Angleterre de l'après-guerre, il éprouvait un désespoir sans borne, l'avenir ne disait rien qui vaille. Il avait appris à dire non à bonne école : celle de la guerre et de la résistance d'un peuple.

Comme les écrivains beats, il avait une joie de vivre qui n'avait pas à passer par la reconnaissance sociale. Les Beats pouvaient et voulaient être heureux. Mais ils préféraient plonger dans un Underground à leur convenance plutôt que de s'essouffler à intégrer une société qui ne voulait pas d'eux. Keith Barnes partageait ce sentiment et cette attitude.

Pour ce qui est de l'écriture, il s'en distinguait cependant ; pas d'écriture automatique pour lui, de la rigueur encore et toujours mais il avait lui aussi aboli la ponctuation pour la remplacer par des espaces et une prosodie qui devait sans doute beaucoup à la musique.

Bref, où situer Keith Barnes ? Où le classer ? Entre qui et qui ? On en reviendrait bien à ce que disait Flaubert à Baudelaire : « Vous ne ressemblez à personne (ce qui est la première des qualités) ».

Jacqueline Starer (2002)